Polaroïd – Acte 4

Genre imposé : action
Période : contemporain

« Un type un peu énervé vient de passer à tabac un voyou qui l’a insulté dans la rue. D’autres hommes, armés de battes de base-ball, commencent à l’encercler. Ensuite… »

Note de l’auteur : j’avais besoin d’un texte court pour reprendre et il n’y a rien de mieux qu’un petit challenge pour se remettre en jambes. J’avais justement gardé celui-ci en cas de besoin. Bon par contre pour le genre je reconnais que c’est un peu biaisé. Il y a eu de l’action, d’accord. Mais là, on est en débriefing.

Terminer et recommencer

Les détails deviennent flous. J’ignore à quel moment la réalité s’est mise à pulser, j’ignore pourquoi je n’ai pas tourné les talons aussitôt. La peur, ai-je pensé. C’est la peur qui me paralyse.

— Je gage qu’il devait également y avoir un zeste de curiosité, non ?

L’accent est rugueux, les mots mal assurés, le sarcasme évident. Je souris.

— Ben disons que c’est pas tous les jours qu’on voit un vortex inter-dimensionnel s’ouvrir devant soi.

Mon interlocuteur grimace. Je suis là parce que j’en ai trop vu, je le sais. Peut-être ne se serait-on pas soucié de moi si j’avais crié à l’hallucination ou à l’apparition mystique, mais ma remarque ébahie (« ça alors, des visiteurs du futur ») l’a de toute évidence déstabilisé.

— Ce n’était pas « inter-dimensionnel », corrige-t-il.
— Un portail spatio-temporel, alors ?

Il secoue la tête. Je l’agace, il se demande visiblement ce qu’il va bien pouvoir faire de moi, mais bizarrement je ne le trouve pas menaçant. Il a raison, en réalité. Pas de peur. Que de la curiosité.
Au point où j’en suis je n’ai plus grand-chose à perdre, de toute façon.

— Eh ! Quatre de vos gars sont sortis de ce machin lumineux bloblotant en scaphandre intégral et ont dégommé tout le monde à coups de rayon laser, vous voulez que j’en déduise quoi ? Vous êtes une troupe de magiciens ambulants et vous vous entraîniez pour votre prochain spectacle ? Vous êtes des agents du gouvernement qui nous cache tout et ne nous dit rien ?

Je hausse les épaules.

— J’ai vu assez de films de science-fiction pour reconnaître de la technologie trop futuriste pour notre époque, vous savez…

Pause. Le sol métallique vibre sous mes pieds, et transmet dans mes os le grondement lointain d’une machine puissante qui monte en régime. J’ai perdu connaissance lorsque l’un d’eux a pointé un objet vers moi, je ne me trouve plus dans le « raccourci génial » que j’avais déniché. Où suis-je ?

J’écope d’un soupir.

— C’était un bouclier d’invisibilité, avoue-t-il. Ils étaient là pour m’assister en cas de problème avec, euh… les négociations. On ne sait pas faire du voyage temporel « à pied ».

Il y a beaucoup d’informations dans cette réponse. L’une d’entre elle confirme l’hypothèse du voyage temporel et sous-entend que… Je sens mon sourire s’élargir malgré moi.

— On est dans un vaisseau. Un vaisseau spatial !

J’ai soudain envie de me lever, de sauter sur place, de trouver un hublot. Un vaisseau spatial !

— Oui. Mon vaisseau. On n’aurait pas dû te ramener avec nous.

Douche froide. La peur revient soudain. Je ne le trouvais pas menaçant.
Je déglutis avec effort pour parvenir à sortir un son. Et je chevrote, je l’entends. Il doit me trouver ridicule.

— J’étais au milieu d’une explosion. Vous avez tout fait péter là-bas, avec vos rayons de la mort !
— Je sais. Je…

Il hésite.

— C’était nécessaire pour… effacer toutes les traces.

Oh. Les larmes me montent aux yeux. La peur paralyse.

— Alors je suis juste… une trace… qu’il faut effacer ?

Son regard est sombre. Profond comme l’espace. Pas menaçant. Il n’est pas menaçant.
J’inspire. Il pince les lèvres.

— Si tu es ici c’est que j’ai une autre solution à proposer.

Ah ?

Il me scrute. Il me jauge. Son aura m’écrase. Quoi qu’il propose, pourrai-je au moins visiter le vaisseau ? Aurai-je le courage de le réclamer ?

Le silence s’éternise. Le coin de ses paupières se plisse.

Puis il me tend la main.

— Je recrute. Bienvenue à bord.

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